Science et conservation TEC H N � n� 38, 2013
Caroline Thomas
La restauration des boiseries dor�es de
Roland F�vrier
l h�tel Le Bas de Montargis
Marc-Andr� Paulin
Nathalie Balcar
Anne-Solenn Le H�
Restoration of the gilded woodwork from the
mansion known as the H�tel Le Bas de Montargis
R�sum�. Dans le cadre de la r�novation des salles du XVIIIe siŁcle Abstract. As part of the renovation programme for the 18th-century
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du d�partement des Objets d art, le mus�e du Louvre a fait appel rooms of the Department of Decorative Arts, the Louvre asked the
au C2RMF afin de restaurer les boiseries sculpt�es de l h�tel C2RMF to restore the carved wood decoration from the mansion
particulier Le Bas de Montargis, construit par Jules Hardouin- called Le Bas de Montargis, built by Jules Hardouin-Mansart
Mansart vers 1705. La restauration, qui a n�cessit� plus d un an circa 1705. The restoration, which required over a year s work,
de travail, a port� aussi bien sur la structure que sur la surface involved both the structure and the surface of the gilded decorative
dor�e des boiseries : la menuiserie a �t� r�vis�e et la dorure a fait woodwork: the panelling was restored and the gilding underwent
l objet d un programme complexe de d�gagement, nettoyage et a complex process of removal, cleaning and harmonization.
harmonisation. L ampleur de l �tude pr�alable et de la restauration The scale of the preliminary study and restoration reflects a
relŁve d une approche minutieuse qui s inscrit dans l �volution du meticulousness that shows the changes in attitude towards
regard pos� sur les arts d�coratifs et les grands d�cors. decorative arts and large decorative schemes.
Mots-cl�s. Boiserie, menuiserie, dorure, d�gagement, Keywords. Woodwork, carpentry, gilding, removal,
restauration, mus�e du Louvre, XVIIIe siŁcle, Le Bas de Montargis, restoration, Louvre, 18th century, Le Bas de Montargis,
Jules Hardouin-Mansart. Jules Hardouin-Mansart.
Le mus�e du Louvre souhaite pr�senter, dans le cadre de la �voqueront les riches int�rieurs du d�but du XVIIIe siŁcle.
r�ouverture prochaine des salles du XVIIIe siŁcle du d�parte- L intervention du C2RMF a cherch� ą respecter la d�ontologie
ment des Objets d art, les boiseries sculpt�es de l h�tel par- de la restauration tout en accompagnant l �tude qui a nourri
ticulier Le Bas de Montargis. Le directeur du d�partement, la r�flexion sur la d�marche de restitution.
Marc Bascou, a fait appel au C2RMF pour en assurer la res- Les boiseries s�lectionn�es pour les salles, arriv�es au
tauration fondamentale. Les boiseries proviennent de l h�tel C2RMF ą la fin de l ann�e 2010, pr�sentaient une h�t�rog�-
construit place Vend�me entre 1704 et 1707 par Jules n�it� contrariant la lisibilit� de l ensemble. Le trumeau de
Hardouin-Mansart, premier architecte du roi, pour son gendre, chemin�e avait �t� int�gralement couvert d un repeint marron
le financier Claude Le Bas de Montargis. La haute qualit� uniforme qui emp�tait la sculpture et laissait dans l expectative
technique et stylistique du d�cor atteste son ex�cution par quant ą l �tat de la surface originale sous-jacente (OA 12302,
les sculpteurs des B�timents du roi. On sait que les �l�ments fig. 1). Les deux �l�ments de parcloses �taient trŁs ab�m�s et
furent ensuite �parpill�s 1 et que les parties parvenues au repeints de la męme fa�on (OA 12307.6, fig. 2), tandis que les
Louvre en 1898, provenant de plusieurs piŁces de l h�tel, deux encadrements de niches et le m�daillon, dor�s et peints,
subirent divers remaniements. Dans le cadre du projet actuel s av�raient fortement remani�s (OA 12300, fig. 3). Face ą l �tat
men� par le mus�e, certains fragments seront remont�s dans in�gal des piŁces, l enjeu de remise aux dimensions, de d�ga-
une męme salle, offrant une reconstitution certes partielle, gement et d harmonisation des d�cors sculpt�s, peints et
mais dont la fiabilit� a �t� assur�e par les minutieuses dor�s constituait un v�ritable d�fi. Les ateliers de restauration
recherches 2 men�es sur l ensemble des d�tails, tels que la �b�nisterie et dorure de la filiŁre Arts d�coratifs du C2RMF
hauteur de la piŁce, la mouluration des lambris bas et le dessin sont intervenus dans les salles du mus�e afin de d�monter ces
de la chemin�e, de la corniche ou des miroirs. Ces boiseries �l�ments imposants. Ils ont ensuite �t� trait�s par anoxie par
serviront d �crin ą la pr�sentation de mobilier d �poque et Fran�ois Boyer, du d�partement Conservation pr�ventive.
Caroline Thomas, conservateur, filiŁre Arts d�coratifs, d�partement Restauration, C2RMF (caroline.thomas@culture.gouv.fr). Roland F�vrier,
technicien d'art, responsable de l atelier de restauration dorure, filiŁre Arts d�coratifs, d�partement Restauration, C2RMF (roland.fevrier@
culture.gouv.fr). Marc-Andr� Paulin, chef de travaux d'art, responsable de l atelier de restauration �b�nisterie, filiŁre Arts d�coratifs,
d�partements Restauration, C2RMF (marc-andre.paulin@culture.gouv.fr). Nathalie Balcar, ing�nieur d �tudes, d�partements Restauration et
Recherche, C2RMF (nathalie.balcar@culture.gouv.fr). Anne-Solenn Le H�, ing�nieur de recherche, filiŁre Analyse de la MatiŁre picturale,
d�partements Restauration et Recherche, C2RMF (anne-solenn.leho@culture.gouv.fr).
ACTUALIT�S ET
PERSPECTIVES
D�veloppement m�thodologique et perspectives
C. Thomas, R. F�vrier, M.-A. Paulin, N. Balcar, A.-S. Le H� La restauration des boiseries dor�es de l'h�tel Le Bas de Montargis
Fig. 1. Le trumeau de
chemin�e vers 1900
(OA 12302). � Mus�e
du Louvre, archives
d�partement des
Objets d art.
Fig. 2. Une des deux parcloses, avant, pendant et aprŁs restauration.
� C2RMF / Thomas Clot.
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La restauration a eu lieu dans les ateliers de Versailles, effec- de taquets en chęne. Les encadrements de niches, dont les
tu�e par Marc-Andr� Paulin et Pascal Petit pour l atelier pi�droits modernes r�sultent de leur mise en place au d�par-
�b�nisterie, Roland F�vrier, St�phanie Courtier, Marie-Jeanne tement des Objets d art en 1962, ont �t� rehauss�s de
Dubois et Lo�c Loussouarn pour l atelier dorure 3. 41 centimŁtres par l adjonction d un panneau en chęne, afin
L intervention, qui a n�cessit� plus d une ann�e de travail, a que la hauteur soit identique entre ces �l�ments, le trumeau
port� aussi bien sur la structure que sur la surface des sur sa chemin�e et les parcloses sur le lambris bas.
boiseries. Cette intervention a �t� l occasion d effectuer une �tude
en trac�ologie, men�e par Pascal Petit, afin d approfondir la
connaissance de l ensemble et des techniques de l �poque 4.
Remise en ordre de la menuiserie Les observations ont montr� que le d�bit du bois se d�finissait
suivant les proportions suivantes : 60 % de sciage de long,
Les boiseries pr�sentaient des alt�rations structurelles com- r�gulier, plus ou moins standardis�, portant la signature
munes : d�formations, retraits dimensionnels du bois, fentes t�moin de la pratique (arrachage des fibres lors de la chute
et manques. Les lacunes ont �t� r�int�gr�es au moyen de de la grume en fin de sciage) ; 20 % de sciage moins r�gulier,
comblements en chęne, essence d origine ; le travail a �t� r�alis� en atelier par les menuisiers pour la refente ou le
important en particulier sur les parcloses, qui �taient trŁs chantournement, et enfin 20 % par fente, repris partiellement
parcellaires et ont d� ętre en grande partie restitu�es. Les par trois herminettes r�f�renc�es et un riflard 5.
fentes de support ont �t� combl�es par du balsa, fix� ą la colle Par ailleurs, l un des enjeux de l intervention sur le tru-
de poisson, et les bois d�form�s ont �t� stabilis�s par la pose meau de chemin�e �tait de d�terminer la formule la plus
Fig. 3. Les encadrements
de niches et le
m�daillon en cours de
restauration ą l atelier
(OA 12300). � C2RMF /
Roland F�vrier.
Science et conservation TEC H N � n� 38, 2013
pertinente pour restituer la moulure disparue bordant le marron. Ces quatre �tapes g�n�rales correspondent ą une
miroir. Plusieurs �chantillons ont �t� r�alis�s ą partir de superposition plus complexe r�v�l�e par les analyses (cf.
comparaisons d �poque et de recherches archivistiques : cette encadr�). Cette �tude a permis de mieux comprendre les
d�marche a abouti ą la cr�ation d une moulure en bronze diff�rentes �tapes des repeints et de mesurer la faisabilit�
dor� coh�rente avec la p�riode et le style 6, inspir�e du cadre d une restauration visant ą retrouver ce qui subsiste de la
du m�daillon central des encadrements de niches, de maniŁre surface d origine dor�e et peinte. L �limination des repeints
ą assurer un socle historique et stylistique fiable. s est faite par voie chimique et m�canique, d abord au moyen
d un d�capant pos� sous forme de gel (Sp�cial G �lectronique
Si les alt�rations structurelles �taient partag�es par tous les Gel�) et d un second, liquide (D�capant am�ricain�), employ�
�l�ments, la probl�matique de surface, en revanche, diff�rait pour les fonds et parties en creux. En compl�ment �taient
consid�rablement entre le trumeau et les parcloses d une utilis�s scalpels, vibro-inciseurs et poin�ons m�talliques. Ce
part, et les encadrements de niches d autre part. d�gagement minutieux et fastidieux a permis une red�couverte
progressive de la surface d origine, mettant au jour une dorure
ą la d�trempe certes us�e, mais encore pr�sente et de trŁs
Traitement de surface du trumeau de chemin�e belle qualit� (fig. 4), ainsi que des restes de d�cor de faux
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et des parcloses : d�gagement, r�int�gration et marbre 7. Celui-ci s apparente ą du blanc vein� sur les parties
harmonisation bordant le fond ą croisillons, et ą du vert antique sur l archi-
volte en plein cintre et les pilastres. Quant aux parcloses, elles
L intervention sur la surface a �t� d�clin�e en plusieurs �tapes, ne pr�sentaient pas de faux marbre mais un d�cor associant
de l �limination des �pais repeints ą la r�int�gration de la peinture grise et dorure. Certains d�tails de la mise en S
uvre
sculpture et l harmonisation de la dorure. de la dorure du d�cor sont alors apparus : ainsi, le fond des
fleurettes au niveau des croisillons du trumeau apparaissait
blanc, avec quelques traces d or dans les fonds, qui corres-
Le d�gagement des repeints pondent en fait ą de l or de d�bordement des motifs et non
ą une dorure en plein des fonds.
Des coupes stratigraphiques de pr�lŁvements et des tests de
d�gagement ont �t� effectu�s lors de la phase d �tude scien-
tifique et technique pr�alable, afin de mieux appr�hender La r�int�gration du d�cor sculpt�
l histoire mat�rielle des boiseries. Il en est ressorti que le
trumeau a �t� repeint plusieurs fois mais jamais redor� : la La r�int�gration du d�cor sculpt� a �t� effectu�e au gros
dorure pr�sente est donc originale. Les tests de d�gagement blanc (p�te compos�e de blanc de Meudon et de colle de peau)
ont permis d observer ą l S
il nu quatre niveaux pour ces ou ą la r�sine �poxyde Master Model Past� en fonction du
repeints pos�s sur la finition d origine : le plus ancien blanc- choix le plus appropri� suivant les emplacements. Ainsi, sur
gris, un rose, un blanc et enfin le plus r�cent, de couleur le trumeau, une partie de la palmette de la traverse sup�rieure
Fig. 4. La partie sup�rieure
du trumeau de chemin�e en
cours de d�gagement
(OA 12302). � C2RMF /
Thomas Clot.
C. Thomas, R. F�vrier, M.-A. Paulin, N. Balcar, A.-S. Le H� La restauration des boiseries dor�es de l'h�tel Le Bas de Montargis
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Fig. 5. Le visage du trumeau de chemin�e avant intervention, en cours de d�gagement et aprŁs harmonisation de la dorure.
� C2RMF / Thomas Clot.
a �t� combl�e ą la r�sine �poxyde, pr�f�r�e au gros blanc et terne. La redorure est alors apparue in�vitable : face ą cette
pour une raison de solidit�, le comblement se trouvant sur probl�matique et au souhait de d�velopper une technique
une zone d assemblage. La fleur restitu�e en pl�tre sur la face modulable et r�versible, Roland F�vrier a choisi de poser l or
du pilastre droit a �t� remplac�e de la męme maniŁre aprŁs sur de la cire microcristalline (Cosmolo�de 80�). Ce proc�d�
moulage de la fleur du petit c�t�. En revanche, la r�int�gration permet de conserver l �tat ancien en ne dorant pas directe-
du motif de l angle sup�rieur gauche bordant le fond ą croi- ment sur la matiŁre originale, la cire constituant une interface
sillons a �t� effectu�e ą l aide de gros blanc, d aprŁs la prise et servant d adh�sif ą la feuille de restauration 8. L assiette
d empreinte ą la p�te silicone RTV sur le d�cor sym�trique ancienne n est pas r�activ�e et se trouve en quelque sorte
de l angle droit. Il en a �t� de męme pour plusieurs �l�ments prot�g�e par la cire, qui devient un marqueur chronologique
de d�cor, dont certaines feuilles bordant la frise de l archivolte. de l intervention. Cette cire peut ętre retir�e trŁs facilement
Sur les parcloses, en grande partie restitu�es, il a �t� d�cid� et sans risque, ce qui confŁre ą la redorure ą la feuille une
de reproduire le d�cor manquant en prenant des empreintes vraie r�versibilit� qui ne faisait pas partie de ses caract�ris-
du d�cor sym�trique conserv�, afin d ętre le plus fidŁle pos- tiques jusque-lą et qui correspond bien mieux ą la d�ontologie
sible. La prise d empreinte a �t� r�alis�e ą la p�te silicone de la restauration. Suite ą cette �tape, l or a �t� l�gŁrement
RTV, et le tirage ex�cut� en p�te �poxyde avec l ajout d un us� au niveau du visage et de son cartouche afin de s accorder
durcisseur liquide. Les lacunes minimes du d�cor sculpt� ont avec les chutes de fleurs et les rinceaux environnants (fig. 5).
�t� r�int�gr�es au gros blanc.
Traitement de surface des encadrements de
R�int�gration et harmonisation de la dorure niches : composer avec une redorure in�gale
Le d�cor restitu� a �t� appręt�, encoll� en jaune, assiett�, D anciennes interventions lourdes et inesth�tiques
dor� ą la d�trempe puis patin� ą la gouache. La retouche de
la dorure ancienne a �t� d�finie de la maniŁre la moins inter- Les modifications relev�es datent probablement du remontage
ventionniste possible, tout en s adaptant au niveau d usure et dans les salles du mus�e dans les ann�es 1960. Une partie des
ą la n�cessit� d harmonisation de l ensemble : l aquarelle et �l�ments avait �t� retaill�e tandis que d autres avaient �t�
des rehauts d or bruni ont g�n�ralement suffi pour remettre restitu�es en stuc de maniŁre parfois grossiŁre. Les encadre-
en valeur celle-ci. Cependant, le masque situ� sur la partie ments de niches pr�sentaient une toute autre configuration
sup�rieure du trumeau a fait l objet d une r�flexion appro- que le trumeau et les parcloses : ils avaient �t� repeints, puis
fondie qui a men� ą de nouveaux essais de pose d or. L usure d�cap�s et redor�s. Il semble que la dorure, lourdement
du visage �tait telle que ce dernier contrastait beaucoup avec reprise, ait �t� pos�e avec un certain manque de soin ; les jeux
le reste du d�cor. Dans le but de rehausser la dorure, divers de mats et de brunis ne correspondent pas aux r�f�rences
essais de mica et d or en poudre ont �t� effectu�s mais se sont d origine visibles sur le trumeau, les mod�natures notamment
r�v�l�s peu satisfaisants, conf�rant au visage un aspect maquill� �tant mates.
Science et conservation TEC H N � n� 38, 2013
�tude stratigraphique : de nombreux niveaux de polychromie Nathalie Balcar et Anne-Solenn Le H�
116 Fig. 6. Photographie au microscope optique de la coupe
Fig. 7. Ą gauche, d�tail de la couche rose appliqu�e sur la dorure
stratigraphique, ensemble des couches appliqu�es sur la dorure
(en cours de d�gagement). Ą droite, photographie au microscope
originale en quatre ou cinq interventions distinctes. Pr�lŁvement
optique de la coupe stratigraphique de cette couche rose avant (en
issu du cintre du trumeau. � C2RMF / Anne-Solenn Le H�.
haut) et aprŁs (en bas) le test sp�cifique de coloration au lugol qui
r�vŁle l amidon en lui faisant prendre une teinte noire.
� C2RMF / Roland F�vrier et Nathalie Balcar.
Pour une meilleure compr�hension des �tats color�s suc- quirevient alors ą consid�rer la couche rose comme un
cessifs  apparemment au nombre de quatre ou cinq  repeint post XVIIIe siŁcle 4. Pourquoi une telle couche rose ?
observ�s au cours de l intervention de restauration sur le Traduit-elle une volont� d imiter un mat�riau, auquel cas,
trumeau de chemin�e, une �tude mat�rielle des couches lequel ? Ou bien s agit-il d une sorte particuliŁre d assiette ?
de polychromie fond�e sur des analyses physicochimiques 1 Cependant aucune trace d or ą sa surface n a �t� observ�e.
a �t� entreprise. Cet approfondissement s int�ressait plus L interpr�tation de cet �tat reste donc hypoth�tique.
particuliŁrement ą l identification des pigments susceptibles Ce rose a �t� recouvert par un gris ą base de carbonate
de fournir des informations chronologiques sur la r�alisation de calcium teint� par du noir de carbone. Ces mat�riaux
de ces mises en couleur originales et des repeints. ne permettent pas de situer temporellement cet �tat.
C est ą partir de plusieurs micro-pr�lŁvements issus C est ą partir de la troisiŁme mise en couleur, dans une
respectivement du cintre et du pilastre droit et contenant tonalit� blanc ou blanc cass�, qu un repŁre chronologique
l ensemble des couches, du marron superficiel ą l appręt en a pu ętre �tabli avec certitude. En effet, du blanc de zinc a
contact avec le bois, que les conclusions pr�sent�es ci-aprŁs �t� identifi� en quantit� significative : par cons�quent, cette
ont pu ętre �mises. intervention n a guŁre pu avoir lieu avant la seconde moiti�
Gr�ce ą l observation au microscope de micro- du XIXe siŁcle 5.
pr�lŁvements enrob�s dans une r�sine, la stratigraphie a L ultime mise en couleur correspond au marron visible
�t� d�finie et le nombre de couches appliqu�es lors de chaque au moment de l arriv�e de cet ensemble au C2RMF. Cette
mise en peinture a pu ętre �tabli en d�tail (fig. 6). Au total, teinte a pour base du blanc de plomb rompu par un m�lange
une dizaine de couches a �t� comptabilis�e sur la dorure de bleu outremer, d oxyde de fer et de terre riche en fer ;
originale masquant la finesse du d�cor de ces boiseries. elle a �t� appliqu�e sur une sous-couche au blanc de plomb
En premier lieu un blanc-gris a �t� appliqu� sur la męl� ą du sulfate de baryum. Ce compos� trŁs minoritaire
dorure originale : est-ce un �tat de finition en blanc des dans les blancs sous-jacents laisse supposer qu il s agit de
boiseries ą part entiŁre ou participe-t-il en tant que sous- deux repeints distincts. L �tude mat�rielle des diff�rentes
couche ą la mise en couleur ex�cut�e avec un rose trŁs vif ? couches de repeints suggŁre donc que cinq repeints ont
La couleur tout autant que la composition surprenante de succ�d� ą l �tat dor� original.
ce rose soulŁvent aussi quelques interrogations : il s agit Notes
1. Le microscope �lectronique ą balayage coupl� ą un
d une couche picturale �labor�e avec du blanc de plomb
systŁme d analyse par dispersion d �nergie des rayons X a �t�
teint� par un carmin de cochenille 2 (colorant) et li� par un
utilis� pour l identification des pigments et des charges.
m�lange d huile et d amidon 3 (fig. 7, partie droite de la Le test de coloration sp�cifique au lugol et le couplage pyrolyse-
chromatographie en phase gazeuse-spectrom�trie de masse ont
coupe stratigraphique). Du zinc a �t� d�tect� �galement en
�t� respectivement choisis pour la recherche d amidon et d huile.
moindre proportion dans cette couche. La pr�sence de cet
2. Analyse r�alis�e au LRMH par Witold Nowik.
�l�ment peut traduire l utilisation de siccatifs (sels de zinc), 3. Kirby, 2005.
4. L oxyde de zinc est synth�tis� en 1780 mais sa production
ou correspondre ą des traces issues de la synthŁse du blanc
et sa commercialisation ą grande �chelle se situent aux alentours
de plomb. Enfin il est �galement possible de consid�rer le
de 1850 (Gettens, Stout, 1966, p. 177).
zinc comme un ajout volontaire de pigment blanc, ce 5. Ibid.
C. Thomas, R. F�vrier, M.-A. Paulin, N. Balcar, A.-S. Le H� La restauration des boiseries dor�es de l'h�tel Le Bas de Montargis
Nettoyage et r�int�gration Conclusion
Au-delą des interventions structurelles, la restauration de ces L �tude pr�alable ą la restauration de ces boiseries a permis
parties a consist� en un long nettoyage, la r�int�gration de de mieux comprendre leur histoire mat�rielle complexe et
quelques �l�ments sculpt�s et l harmonisation de la surface. d en appr�hender l �tat originel, tout en �valuant la faisabilit�
Les interventions ant�rieures �tant trŁs nombreuses, seuls les d une intervention de d�gagement des repeints complexe
�l�ments les plus disgracieux ont �t� remplac�s, ą savoir une mais prometteuse. Ces apports ą la connaissance des diff�-
feuille, une fleur et la coquille sommitale de l arcade gauche. rentes piŁces ont orient� l intervention, qui se voulait soucieuse
Ces moulages ainsi que les comblements n�cessaires ont suivi de ce qui subsistait de l �tat d origine : l �volution de la d�on-
le męme mode op�ratoire que pour le trumeau et les parcloses, tologie de la restauration des grands d�cors se dessine au fur
c est-ą-dire le choix de gros blanc ou de Master Model Past� et ą mesure de l affirmation d une d�marche la plus respec-
suivant l option la plus pertinente. Les �l�ments r�int�gr�s tueuse possible de l histoire mat�rielle des boiseries 10. Dans
ont �t� dor�s et patin�s au vernis gomme-laque teint�. cet esprit, certains aspects de l intervention ont �t� l occasion
L ensemble a �t� minutieusement nettoy� ą la colle de peau, de d�velopper des m�thodologies innovantes, ą l instar de
avant harmonisation g�n�rale ą l aquarelle, ą l or en poudre cet emploi exp�rimental encourageant de la cire comme
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et au moyen de feuilles d or pos�es sur de la cire. L une des support de dorure r�versible et modulable. Ainsi, les enca-
probl�matiques principales �tait de concevoir ce nettoyage drements de niches anciennement redor�s ont retrouv� finesse
et ces retouches en harmonie avec le trumeau et les parcloses, et harmonie, tandis que le d�cor d origine du trumeau de
malgr� leur dissonance 9. chemin�e et des parcloses, dont sculpture, reparure et dorure
sont d une grande finesse, a �t� remis au jour. Avec cette
Par ailleurs, une inscription au graphite, illisible ą l S
il nu, restauration longue et minutieuse, spectaculaire et gratifiante
avait �t� d�cel�e au revers de l arcade droite. Un clich� sous pour ceux qui l ont men�e, les r�alisations des B�timents du
infrarouge r�alis� par Marc de Dr�e, photographe au C2RMF, roi retrouvent tout leur �clat.
a permis de lire la pr�cision � fait pour le cabinet de Monsieur
Mansard [sic] , qui confirme le contexte historique de
cr�ation.
Remerciements. Nos remerciements vont au d�partement des Objets d art du mus�e du Louvre pour nous avoir confi� cette
restauration passionnante, ą son directeur Marc Bascou et au conservateur en chef en charge de ces boiseries, Fr�d�ric Dassas.
Notes C2RMF, men�es conjointement par l atelier Bibliographie
dorure et Nathalie Balcar.
1. Une partie se trouve ą Waddesdon
9. Cette harmonisation ne pouvait ętre Duprez, E., Perfettini, J., 2008, � La
Manor et au Getty Museum (inv. 97.DH.2),
que partielle en atelier. Une fois les boiseries restauration du salon des Fables du
une autre au mus�e des Arts d�coratifs ą
assembl�es au sein du parcours r�nov� du mus�e des Arts d�coratifs de Paris ,
Paris (d�p�ts du ministŁre des Finances,
XVIIIe siŁcle, une phase de finition permet Le Conservateur-restaurateur face ą
SN). Voir Pons, 1995 et 1996, pour ces
d harmoniser les d�tails qui apparaissent l authenticit� et l interpr�tation, 4e journ�e
ensembles. Les boiseries du mus�e du
diff�remment en contexte mus�ographique. d �tudes internationales de l APROA-
Louvre y sont mentionn�es, mais n ont pas
Les ajustements de la dorure sont les plus BRK, Bruxelles, 22-23 novembre 2007.
encore fait l objet d une publication
l�gers possibles, afin de respecter l histoire Gettens, R.-J., Stout, G.-L., 1966, Painting
exhaustive.
mat�rielle de ces boiseries parvenues jusqu ą materials: a short encyclopaedia, Dover
2. Toutes ces recherches pour le
nous dans des �tats contrast�s, tout en Publications, New York.
remontage ont �t� men�es pour le
permettant au public d appr�cier leur Jamin, L., 1990, L Enseignement professionnel
d�partement des Objets d art par Fabrice
qualit� esth�tique. du menuisier [1897], 3 vol., �ditions
Ouziel.
10. Citons, ą titre d exemple de cette Vial, Dourdan.
3. Le projet a �t� suivi par les
�volution, le cabinet des Fables du mus�e des Kirby, J., Spring, M., Higgitt, C., 2005,
responsables successives de la filiŁre Arts
Arts d�coratifs de Paris, r�cemment restaur� � The Technology of Red Lake Pigment
d�coratifs, Agn�s Mathieu-Daud� et Roberta
de maniŁre ą rendre compte du changement Manufacture : Study of the Dyestuff
Cortopassi. Toute la documentation
d usage et de l �volution du go�t dans Substrate , National Gallery Technical
photographique a �t� r�alis�e au C2RMF
l histoire de cette boiserie parisienne des Bulletin, no 26, pp. 71-88.
sous la conduite de Jo�lle Cr�tin.
ann�es 1750. Provenant du boudoir de Pons, B., 1995, � BibliothŁque de l h�tel
4. Jamin, 1990.
Madame Dang� place Vend�me, cet Le Bas de Montargis (vers 1719). The
5. Storck, 2009.
ensemble ą la polychromie originale rose et J.-Paul Getty Museum , dans Pons, B.,
6. R�alis�e par une soci�t� ext�rieure,
verte avait �t� modifi� par une dorure du Grands d�cors fran�ais, 1650-1800, Faton,
mandat�e par le mus�e du Louvre.
XIXe siŁcle, lorsque l h�tel fut attribu� au Dijon, pp. 174-184.
7. L atelier dorure du C2RMF ne s est
gouverneur militaire de Paris. Environ deux Pons, B., 1996, The James A. de Rothschild
occup� ni des faux marbres, trait�s par les
tiers de la boiserie ont �t� restaur�s dans Bequest at Waddesdon Manor. Architecture
ateliers du mus�e du Louvre, ni des parties
l �tat du XVIIIe siŁcle, tandis que l autre and Panelling, Londres, Philip Wilson
neuves de la reconstitution.
partie �tait restaur�e dans son �tat du Publishers, pp. 428-455.
8. Ces essais restent pour l instant
XIXe siŁcle, afin de pr�senter ces deux Storck, J., 2009, Dictionnaire pratique en
exp�rimentaux, bien que l innocuit� de la
aspects successifs, sans en �liminer Menuiserie  Eb�nisterie  Charpente,
cire microcristalline soit �tablie. Des
totalement l un des deux. Voir Duprez, �ditions Vial, Dourdan.
recherches et une r�flexion sur l utilisation
Perfettini, 2008.
de la cire comme interface et support de
dorure sont actuellement en cours au


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