de Marx — travail extraordinaire, ouvert aux problemes qui pa-raitraient etrangers a la deconstruction, qui dit que 1’idee de la justice se prete, comme toutes les autres, a la discussion nouvelle et fondamentale mais non a etre contestee. Ce n’est plus etonnant, vu son engagement pour Nelson Mandele et les dissidents tcheques, qu’il propose de reflechir sur la formę nouvelle de la democratie qui conviendrait au monde d’aujourd’hui. Cependant ce qui surprend — pour moi d’une faęon reconfortable — c’est qu’il demande dans ce livre la fondation d’une nouvelle intemationale et fait une critique approfondie des systemes sociaux actuels, en mettant, a juste titre, en derision les idees et les conclusions du livre de F. Fukuyama, reconnu en tant que cathechisme optimiste de la civiIisation contemporaine.
Le deconstructioniste — je le pense — n’a aucune raison pour accepter les raisons, quelles qu’elles soient, comme incontestables et on ne sait pour quelle raison il aurait a ameliorer ce monde. Au nom de quoi, si tous les principes sont egalement a etre ebranles? On admet donc que Derrida nous charme par son inconsequence, ce qui est d’ailleurs la qualite de tous les plus grands philosophes. Cela cor-respond aussi au fait qu’il n’appartient pas a la familie des funebres insouciants qui voudraient rendre hommage vite et sans eclat a la culture anterieure et leurs reflexions mettre tout de suitę a la disposition du monde tel qu’il est de nos jours. II mene ses folatreries d’enchantement dans 1’aire de la tradition, il en sauve ce qui est le plus precieux. En vue de l’arrivee d’un nouveau millenaire qui peut faire naitre un nouveau kerygme ou — comme Witkacy l’a prevu — il plongera dans 1’animalisme heureux, Derrida postule simultanement son caveati et non possumus.
Si dans cette eloge j’ose avancer aussi ces remarques d’un outsider, c’est pour souligner que je ne suis pas partisan de la pensee de Derrida, ni non plus son apologiste. C’est fort probable que justement grace a la distance par rapport a son style de considerer les problemes les plus fondamentaux de notre existence et les valeurs qu’il faut sauver, plus que ses enthusiastes, j’apprecie la grandeur authentique de son oeuvre. Parmi les philosophes meta, personne ne lui est egal. Ceux qui prophetisent l’ere post-philosophique doivent 1’etudier plus atten-tivement pour óter de leur tete qu’il soit leur allie. De 1’autre cóte, ceux qui sont aveugles, haissants ou tout simplement ignorants en croyant que les questions presentees et envisagees par Derrida c’est de troubler
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